Édito: La démission calculée de Sidya Touré

En Guinée Conakry, l’opposant Sidya Touré qui flirtait avec le régime d’Alpha Condé depuis trois ans, en tant que Haut représentant du chef de l’Etat, a rendu sa démission le 11 décembre dernier. Sous nos tropiques, la démission d’un haut dignitaire est aussi rare que les larmes d’un chien. Et la chose est tellement peu fréquente qu’elle ne saurait passer sous silence quand elle intervient surtout dans un pays comme celui de Sékou Touré, abonné aux violences politiques et où les acteurs politiques ne doivent pas être nombreux, dans les rangs du pouvoir, à marquer bruyamment leur désaccord avec le prince régnant. Pourtant, c’est ce qu’a fait Sidya Touré, le Haut représentant du chef de l’Etat, qui a rendu le tablier le 11 décembre 2018 au détour d’un tweet dont le contenu est le suivant : « Notre pays est confronté à des crises multiples. Cette situation nous interpelle en tant que leader politique pour proposer des solutions qui redonnent espoir à notre peuple. Mon titre de HR (ndlr : Haut Représentant) ne me permet pas de jouer ce rôle. J’ai donc décidé de démissionner de ce poste dès aujourd’hui.» Des mots assez pesants, qui devraient interpeller Alpha Condé pour qui cette défection ne peut que sonner comme un désaveu. Ce désaveu est d’autant plus profond qu’il en rajoute à un autre, à savoir la démission fracassante, il y a environ un mois, de Khalifa Gassama Diaby, alors ministre de la Citoyenneté et de l’unité nationale, pour des raisons similaires. Et avant ces deux faits majeurs, l’on a assisté au limogeage controversé du président de la Cour constitutionnelle qui avait mis Alpha Condé en garde contre tout tripatouillage de la Constitution pour s’ouvrir le boulevard d’un 3e mandat. C’est dire si le contexte est défavorable au Professeur Condé dont la gestion du pouvoir est de plus en plus décriée.

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Sidya Touré   voudrait ne pas être comptable de la mauvaise gouvernance de Condé qu’il ne s’y prendrait pas autrement

C’est peut-être la réelle motivation de l’opposant Sidya Touré qui, voyant le navire à bord duquel il était confortablement assis depuis trois ans, sombrer davantage, a décidé de prendre le large. Si depuis qu’il est président, la Guinée continue de renvoyer, sous son magistère, l’image d’un pays toujours en manque de véritable culture démocratique, où l’alternance n’a pas apporté le changement tant attendu, c’est peu de dire que le Pr Alpha Condé a suffisamment déçu nombre de ses compatriotes. Et à l’heure du bilan, il sera difficile pour ses sbires et autres collaborateurs d’échapper à la sanction des suffrages. Alors, Sidya Touré   voudrait ne pas être comptable de la mauvaise gouvernance de Condé qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Sa démission est donc calculée. On peut dire qu’il a su lire entre les lignes et de façon opportuniste, il quitte le navire pendant qu’il est temps. Certes, en quittant l’opposition il y a trois ans, il avait tout de même réussi à l’affaiblir, mais son retour parmi les siens, à quelques deux ans de la fin du mandat de Condé, ne va pas manquer de requinquer le camp de tous ceux qui condamnent la dégradation de l’atmosphère sociopolitique avec son corollaire de répressions sanglantes. Dans le cas d’espèce, l’on peut penser que Sidya Touré a refusé de s’asseoir sur sa conscience ; lui qui dit que la situation de crises multiples l’interpelle en tant que leader politique. En tous les cas, cette démission du Haut représentant du chef de l’Etat guinéen a un véritable  relent de calculs politiciens.

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Moussa Diawara
Journaliste reporter d'images, administrateur Gl à reporterguinee.net Aime le voyage, la lecture, la découverte et le sport