Guinée : Ce que le tripatouillage constitutionnel coûtera au pays
D’abord, qu’est-ce que la constitution ? Pour faire simple, la constitution est un ensemble de textes juridiques qui définissent d’une part, les règles de fonctionnement d’un Etat (séparation des pouvoirs et relation entre les différents pouvoirs, la forme politique du gouvernement, la façon dont les dirigeants sont choisis…), d’autre part, dans la constitution, on y trouve les principes généraux qui régissent la vie d’une nation, par exemple: l’attachement au respect des droits fondamentaux, l’égalité entre les citoyens….). Dans la plupart des pays, la constitution, qu’elle soit écrite ou non, est au dessus des autres normes juridiques. Sa procédure de modification est souvent très compliquée, justement pour ne pas que certains dirigeants le fassent uniquement en leur faveur. Mais malheureusement, dans nos pays africains, on assiste fréquemment, à ce qu’on peut appeler du tripatouillage constitutionnel. Tripatouiller la constitution, c’est le fait de la changer ou modifier en vue de l’adapter aux désirs d’un individu ou d’un groupe d’individus. Mais cette action a souvent de lourdes conséquences.
La paix sociale risquée
Tripatouiller la constitution, c’est tout simplement risquer la paix sociale de son pays. Une fois qu’une constitution est revue pour répondre aux besoins de quelques individus seulement, et non pas dans le cadre de l’intérêt général, alors cette constitution perd toute sa valeur, elle est réduite à néant. C’est pour cela, les coups d’Etat militaires sont souvent des suites logiques des coups d’Etat constitutionnels. En Guinée, on a notamment l’exemple, du coup d’Etat constitutionnel de 2003 qui a permis au Président Lansana Conté de se perpétuer au pouvoir, et naturellement après lui, c’est un coup d’Etat militaire qui a suivi.
Une véritable menace pour la démocratie
L’alternance politique est un élément clé de la démocratie. Faire sauter le verrou que représente la clause limitative du nombre de mandats présidentiels, c’est s’octroyer une présidence à vie. Souvent, l’Allemagne est citée en exemple par les détracteurs de la limitation du nombre de mandats présidentiels. Pourtant, on oublie le fait qu’en Allemagne, les élections se déroulent de façon libre, équitable et transparente, le chancelier ou la chancelière n’a aucune chance de les tricher. Ce qui n’est pas le cas dans la plupart des pays africains, « on organise pas les élections pour les perdre », disait le Président Omar Bongo. Ainsi, dans nos jeunes démocraties africaines, les élections ne sont que de simples formalités, la seule garantie de l’alternance politique, c’est la constitution.
De la stagnation économique et sociale
Aucun investisseur n’a envie de s’installer dans un pays politiquement instable, « l’argent a peur du bruit » dit-on souvent. Or, c’est par le biais des investissements privés qu’on peut lutter contre le chômage, et c’est également ce qui permet à l’Etat d’améliorer ses recettes pour ainsi financer les programmes de développement. Sans le respect des lois et la stabilité politique, tout ce qu’on entreprend pour soit disant attirer les investisseurs est voué à l’échec. Alpha Condé lui-même, il en sait quelque chose. Dans tous ses discours, il n’arrête pas de dire qu’en 2010, il a « hérité d’un pays mais pas un Etat » ou encore que « le pays était dans un puits ». Espérons qu’il comprendra que le pays était dans une telle situation parce que son prédécesseur Lansana Conté avait provoqué le chaos derrière lui du fait de son maintien à vie à la tête de l’Etat. Alors M. le Président Alpha Condé, tirez les leçons de ce passé pour ne pas commettre les mêmes erreurs, pensez à la Guinée de demain, ne vous laissez pas emporter par la « sirène révisionniste ». En tout cas, vous ne direz pas que vous n’étiez pas prévenus.
Par Oumar Yarani KEITA
Diplômé de Sciences Po Paris
Email : oumaryarani.keita@sciencespo.fr
Tel : +336 66 43 44 51
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