Passages forcés de Condé et Ouattara : Macky Sall, le troisième du trio ?

Quand les uns éternuent, les autres attrapent le froid chez les présidents d’Afrique. Testés positifs au  syndrome du troisième mandat, pour emprunter le  jargon circonstanciel  en vogue de chez nous, les présidents Condé et Ouattara ont pu sortir de leur « maladie » avec plus de force et de légitimité. Leurs passages forcés lors des élections présidentielles passées ont en quelque sorte eu raison sur l’idée d’illégitimité longtemps brandie par leurs détracteurs. Cette manie de transformer une situation de gêne en succès politique et diplomatique, avec des félicitations obtenues de la part de grandes puissances, peut donner des idées à bien des dirigeants. Alors qu’il a préféré maintenir le flou, les dernières décisions  politiques montrent que Macky Sall sera le troisième du trio.

A l’heure où la conscience collective africaine devient de plus en plus hostile au 3ème mandat, les présidents Condé et Ouattara ont servi de cobayes à leurs homologues présidents, désireux de leur emboiter le pas. Leurs passages forcés, malgré la  violence et l’effusion de sang en Côte d’Ivoire et en Guinée, ne peuvent laisser les autres peuples indifférents. D’ailleurs, c’est pour cette raison que les élections dans ces deux pays ont été suivis de près  par  tout un continent. L’incontinence des présidents sortants, avec leur goût boulimique du pouvoir, a été dénoncée et au Sénégal, des mouvements locaux se sont distingués lors de la marche d’une partie des Guinéens de Dakar pour fustiger l’absence de démocratie en République de Guinée.

Profitant du boycott de l’opposition, Alassane Ouattara a fait une razzia  des bureaux de vote avec un score à la soviétique de 94, 27% des voix. Cette plébiscite lui donne, tout comme Alpha Condé sorti vainqueur avec un score de 59% des suffrages au premier tour, une fausse légitimité, confirmée en cela par un  conseil  constitutionnel acquis à leurs ordres. Même si les deux cas se ressemblent en ce qu’ils  sont sanctionnés par un coup KO, la réélection du président guinéen trouve une plus grande marge de légitimité dans  la participation du leader de l’opposition.

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Macky Sall  sur les pas de Condé et Ouattara

Au Sénégal, bien que le président Macky Sall n’ait encore rien affirmé de sa prochaine candidature ou non, des circonstances concourent à  une probable troisième participation. Le troisième du trio qu’il  devrait constituer avec Condé et Ouattara tant leurs démarches semblent  se confondre. Fin politicien, le théoricien du « Ni ni » politique, comme  l’a été Abdoulaye Sadji sur le plan littéraire, continue de garder le  flou mais il reste transparent comme  tous les acteurs politiques. « Je ne dirai ni oui, ni non », lançait-il en réponse à la question d’une possible  candidature.

Mais la nouvelle cartographie de la mouvance présidentielle avec l’entrée en lice de grands noms politiques, comme  Idrissa Seck, et la mise à l’écart des alliés de la première heure dont Aly Ngouille Ndiaye, Amadou Ba, Mimi Touré, Me Oumar Youm, interpellent  les analystes politiques. Cette  reconfiguration remet au goût du jour la question d’un 3ème  mandat. Contrairement à Ouattara qui s’est trouvé un dauphin à la toute fin de son deuxième mandat, Macky Sall reste hermétique sur ce plan même si  d’aucuns voient en Idrissa Seck son possible futur dauphin. Et tout comme ses acolytes, Macky Sall, malgré ses engagements répétés à moult reprises, peut s’appuyer  sur la constitution de 2016. Il ferait ainsi comme Wade en 2011 et obtiendrait  en dernier ressort l’arbitrage favorable des juges du Conseil constitutionnel.

Pourquoi l’argument de la mobilisation du 23 juin 2011 est faible

Beaucoup d’observateurs sénégalais et activistes convoquent les évènements du 23 juin 2011 pour parier sur une impossibilité de forcing  de la part du président Sall. Or, depuis qu’il est à  la tête de la  République, Macky Sall a toujours fait usage de ses forceps pour imposer ses choix. Il en a été ainsi lors  du référendum de 2016, au moment du vote  de la loi sur le parrainage, et quand il s’était agi de faire voter les  citoyens sur la base de simples  récépissés aux législatives de 2017. C’est pour dire que tous les instruments juridiques et juridictionnels à sa disposition peuvent lui permettre, comme ils ont permis aux deux autres, d’aspirer à une  troisième candidature.

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L’argument de la mobilisation citoyenne ne peut être pertinent pour espérer une  absence de Macky Sall lors de la présidentielle de 2024. La politique n’est pas  une affaire de cœur et  elle a cessé longtemps d’être une affaire de morale et d’éthique. Il suffit d’interroger l’histoire récente de la Guinée et de la Côte d’Ivoire pour se rendre compte que des troubles politiques et sociaux n’ont pas empêché que les présidents aillent au bout de leur désir fou. En  Côte d’Ivoire,  la crise de 2010-2011 et la violence pré-électorale de cette année, tout comme le  massacre du 28 septembre 2009 en Guinée et les dizaines de morts depuis le référendum donnant carte blanche à  Condé pour un 3ème mandat n’ont pas arrêté les présidents sortants.

Ce serait donc vendre  la peau de l’ours avant de l’avoir tué que d’espérer qu’une simple mobilisation citoyenne puisse avoir raison de l’ambition de Macky Sall. Il  est  en effet le troisième du trio, reconnu pour leur « wax waxeet » (reniements) extraordinaires. A l’instar de Ouattara et Condé, Macky Sall a plusieurs flèches dans son arc. Mais le constat, la  seule constance dans sa démarche aura-t-on envie de  dire, reste sa volonté d’emboîter le pas à ses amis qui ont réussi à se maintenir au pouvoir contre vents et marées. Le peuple est averti!

Par Khalifa Ababacar Gaye/SenNews

 

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